BREF RAPPEL SUR L’AFFAIRE AYANT SERVI DE BASE AU ROMAN
Mouscron, été 1992. Une paisible cité ouvrière située sur la frontière entre la France et la Belgique bascule en plein cauchemar. En l’espace d’un mois, trois agressions violentes, dont une mortelle, sèment la panique. Un mystérieux tireur frappe au hasard, sans mobile apparent, laissant la police et les habitants dans l’effroi. Derrière ces crimes se cache un adolescent discret, Arnaud D., 17 ans. Son arrestation révélera un parcours glaçant. Cela aurait pu être bien pire,annonce un gendarme de l’époque.
Le 12 août 1992, Carine M., 25 ans, marche seule dans le quartier populaire du Nouveau Monde. Il est environ 23 heures lorsqu’un coup de feu déchire le silence. Touchée dans le dos, Caroline s’effondre. Grièvement blessée, elle survit miraculeusement. L’agression ne semble motivée ni par un vol ni par une vengeance malgré le passé trouble de la victime. Un acte gratuit ? Pas sûr.
Douze jours plus tard, dans la nuit du 24 août, David M., 16 ans, rentre chez lui après un service à la plonge d’un établissement de la Grand-Place. Au croisement du quartier du Tuquet, une balle l’atteint en pleine tête. Cette fois, la Mort est de la partie. L’adolescent, décrit comme sans histoire, décède sur le coup. Aucun vol n’a été commis. Le mode opératoire est le même : une attaque soudaine, un tireur invisible.
Le 11 septembre, dans une cossue villa du Bois Fichaux, Thérèse P. et sa fille, Nathalie V., sont prises de paniques. Un inconnu s’est introduit dans leur domicile, une arme à la main. Il menace la mère, qui parvient à s’enfuir et à se barricader avec sa fille. Lorsque la jeune femme âgée d’à peine dix-neuf ans tente de s’échapper, une balle transperce la porte et la blesse grièvement. Le tireur prend la fuite.
Ce n’est plus du meurtre de sang-froid, mais de la chasse. La ville bascule dans la psychose, les névroses ressurgissent comme le spectre du déclin industriel qui touche Mouscron de plein fouet. Des patrouilles de police sont organisées. Les flics sillonnent les rues, la mairie impose un couvre-feu, les habitants évitent les sorties nocturnes.
Alors que les enquêteurs piétinent sur des pistes ne menant nulle part, une missive glaçante arrive au commissariat de la police communale. Une lettre, signée « Fantômas », annonce de nouvelles attaques. Pour prouver son authenticité, l’expéditeur joint une balle identique à celles utilisées lors des premièresagressions. Les autorités retiennent leur souffle. Qui est ce tireur qui tue sans raison et qui nargue les forces de l’ordre ?
L’expert en balistique, M. Pleetinckx, confirme que les projectiles sont de calibre 7,65 mm. Un élément l’intrigue : les balles semblent modifiées manuellement, suggérant que le tueur fabrique lui-même ses munitions.
Les rumeurs se multiplient. Certains évoquent un lien avec le célèbre film de Poelvoorde « C’est arrivé près de chez vous », sorti peu avant les crimes. Un tueur inspiré par le cinéma ? La thèse, facile, est rapidement écartée.
La traque s’accélère dans la nuit du 23 au 24 septembre 1992 lorsqu’une patrouille de la Police communalerepère un suspect errant près du Bois Fichaux. L’individu parvient à s’échapper, mais abandonne une arme dans les broussailles. Le matin suivant, la Gendarmerie perquisitionne une modeste demeure du quartier du Nouveau Monde. Arnaud D., 17 ans, vit là avec ses parents. Dans sa chambre, les enquêteurs découvrent un atelier clandestin : moules à balles, plomb fondu, revues sur les armes.
L’adolescent ne manifeste aucune surprise lors de son interpellation. Il avoue rapidement être le tireur et décrit avec froideur ses actes. Il voulait tuer encore et encore. Il projetait même d’exécuter ses propres parents.
Je tirais sur les gens pour voir ce que ça faisait, lâche-t-il aux enquêteurs.
La froideur du gamin est glaçante. Il raconte comment son arme s’est enrayée après avoir blessé Carine M., lui évitant la mort. Il explique avoir suivi David M. avant de le tuer sans aucune raison. Il décrit sa tentative d’exécution ratée chez Nathalie V., frustré d’avoir manqué sa cible.
Les enquêteurs sont sidérés par les desseins du tueur. Arnaud D. préparait de nouveaux meurtres. Il recherchait une carabine à lunette pour améliorer sa précision. Il avoue avoir déjà tiré sur des passants, sur des voitures, sans jamais être inquiété.
Qui est Arnaud D. ? Loin de l’image du tueur en série classique que nous sert la télévision et les émissions dédiées au true crime, le jeune homme est un adolescent intelligent, mais solitaire, passionné de chimie et de balistique. À 12 ans, il avait déjà tenté une expérience dangereuse en versant de l’acide dans les verres de lait de ses camarades. Il a grandi dans une famille sans histoire, mais son comportement inquiétant a alerté plusieurs établissements scolaires.Toutefois, ces signalements n’ont pas toujours trouvé écho.
Si son arrestation met un terme à l’angoisse qui s’est emparée des Mouscronnois, elle pose cependant une question troublante : comment personne n’a-t-il pu anticiper son basculement vers la violence ?
Un an plus tard, en novembre 1993, Arnaud D. comparaît devant les assises du Hainaut à Mons. L’enjeu est crucial : est-il responsable de ses actes ?
Les experts psychiatres sont divisés. Il n’est ni psychopathe ni schizophrène, mais souffre de troubles inclassables. Il méprise les autres, se considère supérieur, et n’exprime aucun regret.
Le verdict tombe : travaux forcés à perpétuité. Lors de l’énoncé de la sentence, Arnaud D. esquisse un sourire glacial. Un geste qui horrifie les familles des victimes.
Vingt ans après son incarcération, Arnaud D. meurt en prison, sans doute d’une overdose. Un destin en forme de point final à l’histoire d’un adolescent qui avait choisi la mort comme seule voie.
Mouscron, elle, n’a jamais oublié. Le tueur fou a laissé derrière lui une ville marquée à jamais par la peur et l’incompréhension.
Par Alexandre HOS